Présentation
Nous apportons ici des informations sur le positionnement de la CGT lors d’un certain nombre d’élections politiques de 1936 jusqu’en 2022. Un travail lacunaire qui met toutefois en évidence la longue tradition cégétiste de prises de position électorales, notamment lorsque l’extrême droite a pu se rapprocher d’un peu trop près des portes du pouvoir.
Elections législatives de 1936
En 1935-1936, les conférés se montrent particulièrement sourcilleux sur la nécessité de défendre l’indépendance syndicale.
En 1936, au cours de son congrès d’unité, la CGT publie ses « résolutions sur l’action de la CGT » qui indiquent : « Le Congrès confirme l’adhésion donnée par les représentants du mouvement syndical au programme dressé par le Comité du rassemblement populaire en vue de mobiliser les masses populaires françaises pour l’amélioration de leur sort et pour la défense et le triomphe de la liberté et de la paix. La CGT dans tous les éléments, soutiendra par une lutte incessante les revendications contenues dans ce programme, dont elle exigera la réalisation… »
Les élections municipales et législatives de 1945
Au cours de la guerre et à la Libération, la CGT joue un rôle politique de premier plan. Membre du CNR, elle participe à la rédaction du programme et en assurera même la présidence. La CGT est également présente à l’Assemblée consultative avec cinq représentants. Elle est un acteur essentiel du soulèvement populaire d’août 1944 et participe aux activités des comités départementaux de libération (CDL). En septembre 1944, elle entre dans la bataille de la production.
À la Libération, la CGT étend donc sur le mouvement ouvrier une influence inédite et sans équivalent, plus forte que sous le Front Populaire. Au sein de la CGT, le rapport de forces penche nettement en faveur des ex-unitaires.
La CGT n’hésite pas à intervenir directement dans le débat politique. Pour les unitaires, il n’est plus possible de s’en tenir strictement aux termes de la Charte d’Amiens. Les confédérés apparaissent dans l’ensemble plus fermes sur l’indépendance syndicale, ce qui n’empêche pas Albert Gazier (confédéré) d’affirmer que la règle de l’indépendance syndicale « […] n’est pas un dogme valable, toujours et partout… (elle) ne peut plus être aujourd’hui ce qu’elle était en 1906 parce que tous les problèmes économiques et sociaux, qu’il s’agisse des prix, des salaires, des réformes de structure ou de la sécurité sociale sont commandés par des considérations publiques »
Des tiraillements entre ex-unitaires et ex-confédéraux interviennent au cours du CCN de mars 1945, quand les ex-unitaires proposent dans les listes uniques de la Résistance la présence de candidats CGT. Une solution est trouvée : aux unions locales ou départementales d’en décider.
La CGT participe, du 10 au 14 juillet 1945, aux Etats généraux de la Renaissance française.
Le 23 août 1945, à l’appel de la CGT, est constituée une « Délégation des gauches » qui, rassemblant le PC, la SFIO, le Parti radical, la Ligue des droits de l’homme et la CGT, qui entend intervenir sur les projets constitutionnels et électoraux. Arguant de son rôle à la tête de cette « Délégation », le 21 septembre 1945, la CGT demande un entretien au Général de Gaulle pour discuter du régime prévu par les prochaines élections mais se voit opposer un refus très sec.
Le CCN de septembre décide de conseiller le vote oui/non aux deux questions du referendum du 21 octobre sur l’Assemblée constituante non souveraine
Dans Le Peuple du 13 octobre 1945, quelques jours donc avec les élections législatives, on peut lire les propos suivants de Benoit Frachon : « La CGT a pris l’initiative d’une entente avec les partis de gauche pour soutenir aux élections prochaines un programme prévoyant la nationalisation des grandes industries de base, de l’électricité, des banques, des assurances ».
Le lendemain des élections, le journal Le Peuple titrera : « Victoire de la République ! Les revendications ouvrières seront entendues ». Dans ce même numéro, Louis Saillant, président du CNR, affirme que le programme du CNR est désormais au pouvoir.
Plusieurs dirigeants cégétistes entrent au gouvernement. En mai 1946, la CGT prendra position sur le référendum.
1972-1977, la séquence du programme commun
En 1972, lors du congrès de Nîmes qui se tient du 18 au 21 avril, une partie du rapport de Georges Séguy, s’intitule « syndicats et partis ».
Séguy introduit cette partie de texte ainsi : « L’unité sur le plan syndical ne peut-être, dans un pays comme le nôtre, séparée des questions de l’unité sur le terrain politique et plus concrètement de l’unité de la gauche ». Plus loin il ajoute : « La CGT ne cautionnera jamais une relève de gauche qui se traduirait par une politique de droite. C’est pourquoi la CGT est impliquée dans la construction du programme commun de la gauche en faisant des propositions relevant de ses compétences syndicales, pour qu’elles y soient intégrées. » Il conclut : « Si le PCF et PS entreprennent demain des discussions et l’élaboration d’un programme commun de gouvernement et que la CFDT et la FEN persistent dans leur refus d’y prendre part, la CGT est prête à y participer, même seule comme organisation syndicale. »
1974, élection présidentielle
En 1974, on peut lire dans une déclaration de la CEC du 3 avril : « La CGT rappelle son soutien au programme commun de la gauche en souhaitant que dans les circonstances exceptionnelles [G. Pompidou est décédé, ce qui entraine des élections présidentielles anticipées] l’unité la plus large se réalise pour que l’élection présidentielle se traduise par une grande victoire des forces démocratiques. ».
Dans le Peuple de la mi-avril 1974, le rapport de la CEC lu par G. Séguy est repris intégralement. Il salue la candidature unique des trois parties signataires du Programme Commun et appelle la CGT à se lancer dans la bataille pour lui rallier un maximum de suffrages.
Il précise : « Il ne s’agit pas de voter inconditionnellement pour un homme […], mais de saisir l’occasion de cette élection pour ouvrir la voie au changement […] » et ajoute « la CGT s’engage dans la campagne électorale, pas pour un homme ou un parti politique mais pour un programme commun auquel elle a contribué. »
Le Peuple du 16 au 31 mai 1974, en Une du journal figure ce texte : « Pas une seule voix de travailleuses et de travailleurs. Pas une seule voix de progrès ne doit manquer. Au candidat de la gauche unie : François Mitterrand ».
L’élection présidentielle de 1981
En 1981, dans le Peuple du 1er au 30 avril, avant donc le 1er tour de l’élection, Michel Warcholak signe l’édito titré « Pas un jour à perdre ! »
Il écrit : « C’est en pleine conscience de ces enjeux et des possibilités de gagner, que la CGT assume toutes ses responsabilités sans se laisser impressionner ni détourner de ses positions. Il a fallu résister à une très forte pression des moyens d’information et de diverses forces qui visaient à empêcher la CGT de s’exprimer, d’être pleinement elle-même et de renoncer à ses positions sous le fallacieux prétexte de neutralité qui, dans les faits, conduirait à l’abandon ».
Il conclut : « A quelques jours du 26 avril, la CGT confirme pleinement, avec toute la conviction dont elle est capable, qu’il faut battre la droite, qu’il faut voter dans un sens conforme aux intérêts de classe des travailleurs et de contribuer au changement qui peut être gagné. Le moment est venu pour chaque travailleuse et travailleur de prendre ses responsabilités ».
Au second tour, la CGT appelle à « battre Giscard et le CNPF » et à voter Mitterrand « avec la volonté de faire aboutir les revendications et un réel changement ».
L’élection présidentielle de 1988
En 1985, lors de son 42e congrès, la CGT avait affirmé qu’elle ne « saurait en aucun cas se considérer comme engagée par les programmes des différents partis, les alliances qui peuvent exister. »
Entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1988, le 28 avril, la CEC de la CGT déclare : « Il faut combattre ces forces du conservatisme, de l’obscurantisme et de la réaction comme la CGT les a de tout temps combattues. Dans ces conditions, nombreux sont les travailleurs qui veulent, par leur vote, barrer la route à Chirac, Barre et Le Pen. Nous les comprenons. C’est dans la continuité de sa démarche que la CGT donne à tous, ces éléments nécessaires pour se former une opinion en toute responsabilité ».
Contrairement à 1981, la CGT n’appelle pas à voter Mitterrand pour le second tour.
Les élections législatives de 1997
En 1997, Jacques Chirac est au pouvoir depuis deux ans. Face à l’essoufflement de sa majorité, il décide de dissoudre l’Assemblée. Le PCF, le PS, les Verts, les radicaux de gauche et le Mouvement des citoyens décident alors de s’allier et vont remportent les législatives.
Dans la continuité de son positionnement depuis le milieu des années 1980, la CGT n’appelle pas à voter pour la gauche plurielle en 1997. Elle garde ses distances avec cette élection et communique surtout sur la manifestation nationale interprofessionnelle unitaire qui doit avoir lieu après le second tour des élections, le 10 juin, pour « le plein emploi solidaire ». Après la victoire, la CGT rappelle au gouvernement majoritairement socialiste qu’elle fera « tout pour que le monde du travail pèse avec conviction et lucidité pour une évolution de la situation conforme à ses intérêts ».
L’élection présidentielle de 2002
En 2002, le 23 avril après le coup de tonnerre provoqué par l’accession au deuxième tour de l’élection présidentielle de Le Pen, un communiqué unitaire la CGT, la CFDT, l’UNSA et la FSU est publié. Les organisations syndicales signataires appellent à faire du 1er mai une immense journée de mobilisation pour le progrès social, les revendications et la démocratie.
Elles appellent dans ce communiqué « les salariés à faire, par leur vote, barrage à Jean-Marie Le Pen. »
Lors du CCN des 15 et 16 mai 2002, dans son intervention liminaire, J.C Le Duigou rappelle que si Chirac a été élu avec 82% des suffrages exprimés, cela signifie avant tout le rejet de Le Pen et non celui de son programme. Et il insiste : « Le succès est celui des forces démocratiques et républicaines. ».